RomainSaillant
GROWTH

Les 4 étapes du Growth Hacking Process

S’il y a bien un terme galvaudé dans le domaine de la croissance, c’est sans doute celui de “Growth Hacking”. Il est aujourd’hui considéré comme une fausse promesse, car il induirait que l’on peut trouver des “hacks” pour garantir sa croissance, plutôt que de la travailler de façon saine et pérenne. Or, comme je vous l’expliquais dans mon article sur les incompréhensions dans la Growth, beaucoup de concepts sont considérés comme mauvais surtout parce qu’ils sont mal compris.

Et le terme “Growth Hacking” en fait partie. Inventé par Sean Ellis, il ne voulait pas désigner une discipline faite seulement de petits hacks mais plutôt le fait général de “hacker la croissance”. Sean Ellis rendit même cette intention plus claire à la sortie de son livre, qu’il choisit plutôt de nommer “Hacking Growth”.

Sean Ellis n’est néanmoins pas qu’un inventeur de nouveaux noms de métiers. Il a également créé l’un des systèmes les plus importants des stratégies de croissance : le Growth Hacking Process.

À retrouver dans cet article :

- Qu’est-ce que le Growth Hacking Process ?
- Étape 1 : l’analyse
- Étape 2 : l’idéation
- Étape 3 : la priorisation
- Étape 4 : le test
- Étape 5 : un nouveau cycle
- En résumé

Qu’est-ce que le Growth Hacking Process ?

Le Growth Hacking Process est un système qui organise l’expérimentation autour d’un produit ou service. En effet, l’un des critères qui différencient fortement la Growth des approches marketing plus “traditionnelles” est le fait de tester les choses de façon scientifique. On va donc mener des expériences dont on pourra apprendre des choses afin d’affiner de plus en plus la compréhension que nous avons de notre moteur de croissance.

Mais pour cela, il faut être organisé et définir un mode opératoire rigoureux. C’est à cette fin que le Growth Hacking Process a été créé, découpant l’expérimentation en 4 étapes fonctionnant en boucle :
- L’analyse
- L’idéation
- La priorisation
- Le test

Growth Hacking Process

On va ainsi analyser la situation, de façon quantitative et qualitative, ce qui nous alimentera dans notre génération d’idées d’expériences. Ces expériences seront ensuite priorisées afin de déterminer dans quel ordre elles seront lancées. Une fois les expériences terminées, on pourra en mesurer les résultats dans un nouveau cycle d’analyse, et ainsi de suite.

À bien y regarder, on constate finalement que ce Growth Hacking Process est une déclinaison d’un concept plus universel : le Lean Startup. Développé en 2008 par Eric Ries, ce dernier est un modèle de travail proposant une démarche de construction d’une startup, ou a minima d’un nouveau produit. Il se base notamment sur un autre cycle, celui-ci en 3 étapes :
- La construction
- La mesure
- L’apprentissage

Lean Startup

On peut assez facilement assimiler l’étape de la mesure à celle de l’analyse dans le Growth Hacking Process, celle de l’apprentissage à celle de l’idéation, et celle de la construction à celle du test. Le Growth Hacking Process ajoute cependant une étape de priorisation adaptée à un système d’expérimentation à haut tempo. En effet, une équipe Growth cherchera à itérer de façon plus véloce que dans le cycle de développement d’un produit, quitte à se tromper. Elle générera donc de nombreuses idées d’expériences à mener, qui devront donc être priorisées entre elles afin de garantir l’efficacité du système.

Maintenant que les grandes définitions sont données, voyons en détail chaque étape du Growth Hacking Process.

Étape 1 : l’analyse

Avant de pouvoir réfléchir à des idées d’expériences, il est important de savoir analyser “la santé de notre croissance”. Pour cela, deux étapes sont nécessaires.

La première étape est de suivre les principales métriques que vous avez définies comme centrales pour votre modèle Growth. Cela dépend de chaque type de business, mais ces métriques pourront provenir de vos principaux modèles d’analyse : le modèle AARRR, vos Growth Loops ou encore vos entonnoirs de conversion (Funnels). Si cela vous intéresse, je pourrai faire prochainement un article sur la façon d’articuler ces différents concepts pour créer votre modèle Growth. En attendant, c’est un sujet que nous abordons en profondeur dans le livre que j’ai coécrit, Growth Marketing.

Pour chacune des métriques relevées, vous pourrez analyser lesquelles se portent bien (i.e augmentent sur une période de temps définie par rapport à la période précédente) et lesquelles ne se portent pas bien. Vous pourrez alors identifier quelles parties de votre modèle sont à améliorer en priorité.

Dans la seconde étape, vous devrez réaliser un travail d’analyse des parties identifiées précédemment. Votre objectif sera de comprendre ce qui explique les difficultés rencontrées et d’émettre des hypothèses. Pour cela, vous pouvez coupler analyse quantitative et qualitative. Dans la partie quantitative, vous pourrez utiliser le concept d’Input Metrics : quelles sont les “petites” métriques intermédiaires qui ont une influence sur ma grande métrique principale ? Comment se comportent-elles ? L’une d’elles est-elle plus problématique que les autres ?
Dans la partie qualitative, vous pourrez faire de la recherche en menant des sondages ou des entretiens avec votre audience cible afin d’identifier les freins.

Une fois ces analyses réalisées vous aurez normalement suffisamment de matière pour formuler plusieurs hypothèses. Une bonne hypothèse est formulée sous la forme “Nous pensons que {le problème} parce que {l’hypothèse}”. Par exemple, “Nous pensons que le taux de conversion de nos pages de vente est bas parce que les visiteurs n’ont pas assez confiance”.

Ces hypothèses seront une liaison parfaite entre votre phase d’analyse et la phase d’idéation.

Étape 2 : l’idéation

La phase d’idéation consiste à passer des hypothèses à des idées d’expérience à mener. Chaque hypothèse peut engendrer différentes expériences, en fonction de façons de solutionner le problème correspondant. Chaque idée doit être formulée sous la forme « Si... alors... ».

Reprenons notre exemple d’hypothèse “Nous pensons que le taux de conversion de nos pages de vente est bas parce que les visiteurs n’ont pas assez confiance”. Une première idée d’expérience pourrait être “Si nous ajoutons des avis de clients sur la page de vente, alors les visiteurs auront plus confiance dans la qualité”. Une seconde idée pourrait être “Si nous changeons le nom du bouton de conversion, alors les visiteurs se sentiront moins apeurés à l’idée de cliquer dessus”.

Pour vous aider à générer des idées, j’aimerais vous parler d’un concept de créativité découvert pendant mes études et qui ne me quitte plus depuis : celui de la divergence créative. L’idée est de séparer en deux phases complètement distinctes la phase de génération d’idées (la divergence) de la phase de filtre et de sélection des idées (la convergence). En effet, lors de brainstormings classiques, on a tendance à mélanger ces phases, ce qui crée de la censure ou de l'autocensure chez les participants qui se sentent jugés. En interdisant de juger les idées, et en coupant temporairement notre cerveau reptilien, nous nous assurons de pouvoir rebondir sur les idées des autres, et donc d’aller beaucoup plus loin dans la créativité. C’est la phase de convergence, réalisée dans un deuxième temps bien distinct, qui garantira la sélection des meilleures idées.

Pour organiser un atelier de divergence d’une heure autour d’une hypothèse, vous pouvez laisser une première phase de 20 minutes où les participants génèrent des idées d’expérience d’eux-mêmes, puis tenter de les alimenter avec des éléments extérieurs : des données intéressantes, des résultats d’interviews avec des utilisateurs, ou encore des captures de pages web de vos concurrents principaux ou d’acteurs importants de votre secteur.

À la fin de cette divergence puis convergence, vous aurez ainsi généré un certain nombre d’expériences à mener pour valider ou invalider vos hypothèses. Pour vous y retrouver, il va donc falloir déterminer dans quel ordre les mener.

Étape 3 : la priorisation

Le choix de l’ordre dans lequel seront menées vos expériences est un enjeu majeur. En effet, une équipe Growth étant amenée à tester les choses à tempo élevé, elle devra générer beaucoup d’idées d’expériences, et parfois ne jamais mener certaines de ces idées. De plus, plus vite une expérience à fort impact sera menée, plus vite ses résultats viendront influencer la génération et la priorisation de nouvelles idées. Savoir prioriser est donc un enjeu majeur.

Pour prioriser les expériences entre elles, on va chercher à leur attribuer une note. Et pour cela, rien de tel que le ICE Scoring !

Le ICE Scoring est une note sur 15 découpée en 3 parties notées sur 5 et additionnées :
- Impact : l’impact potentiel de l’expérience si elle réussit
- Confidence : la confiance que nous avons dans le fait que l’expérience réussisse
- Ease : la facilité de mise en place de l’expérience

ICE Scoring

Comme il est parfois compliqué de noter ces critères de façon un minimum objective, je vais vous donner les méthodes que j’utilise en général. Pour l’impact, je définis l’Input Metric sur laquelle mon expérience est sensée agir, et j’évalue l’impact de cette Input Metric dans la métrique principale. Par exemple, si l’on cherche à augmenter le nombre de leads générés par un site (qui sera ici notre métrique principale), une expérience influant sur le taux de conversion des pages de ventes aura un impact de 5, là où une expérience influant sur le taux de rebond des pages du blog aura plutôt un impact de 1.

Concernant la confiance, c’est sans doute la partie la plus dure à débiaiser. Mais vous pouvez tenter d’envisager la chose sous la question “s’agit-il de quelque chose de déjà optimisé ?” Par exemple, tenter de changer le design d’un bouton que vous aviez déjà optimisé a moins de chances de succès que mettre en place un programme de parrainage inexistant auparavant.

Enfin, concernant la facilité, vous pouvez utiliser un barème du type :
- 5 si vous pouvez le faire vous-même (ou votre équipe) en moins d’une journée
- 4 si vous pouvez le faire vous-même (ou votre équipe) en moins d’une semaine
- 3 si vous pouvez le faire vous-même (ou votre équipe) en plus d’une semaine
- 2 si cela nécessite le travail d’une autre équipe que vous devrez attendre moins d’une semaine
- 1 si cela nécessite le travail d’une autre équipe que vous devrez attendre plus d’une semaine

Évidemment, tous les conseils de barème que je vous donne ici doivent être adaptés au contexte de chaque entreprise. Mais ils peuvent vous donner un premier ordre d’idée de comment noter vos expériences, et ainsi se retrouver à la fin de cette étape avec une liste d’expériences priorisées entre elles.

Étape 4 : le test

Une fois la liste de vos expériences définie et ordonnée, vous allez pouvoir commencer à lancer vos tests en commençant par les meilleurs scores ICE. Pour chaque expérience que vous prioriserez, il faudra commencer par définir la MVE : Minimum Viable Experiment.

La MVE est le moyen le plus direct et le moins consommateur en ressources (temps et argent) de réaliser une expérience. Imaginons qu’une entreprise veuille tester un programme de parrainage : elle pourrait commencer par envoyer les mails aux parrainés et réaliser les réductions (ou les bénéfices) pour les parrains à la main. Cela évite ainsi un investissement lourd (soit dans un outil, soit dans du développement) pour automatiser tout le système de parrainage. Il sera toujours temps ensuite, si l’expérience est un succès, de passer un cap dans l’automatisation.

Avant de travailler cette expérience, il faudra également définir les métriques qui seront suivies pour savoir si l’expérience est un succès. Vous devrez dans tous les cas définir une métrique principale que vous souhaiterez augmenter, appelée la Success Metric. Dans certains cas, si l’expérience peut potentiellement avoir un impact négatif sur autre chose, vous devrez également définir une métrique qui, elle, ne devra pas baisser : la Tradeoff Metric. Par exemple, si une entreprise souhaite tester une fenêtre popup sur les pages de son blog pour recueillir des emails, la Success Metric sera le nombre d’emails recueillis, et la Tradeoff Metric le nombre de visiteurs ayant quitté le blog à cause de cette fenêtre.

Une fois que l’on commence à travailler sur une expérience, elle va passer par plusieurs phases, de la priorisation au recueil de données en passant par son travail. Il va donc falloir organiser un suivi de cette évolution, en définissant un tableau Kanban dans lequel les expériences peuvent être dans l’une des étapes suivantes :
- ICE Box : la liste de vos idées d’expériences, triées par score ICE
- Not Now : la liste des idées que vous aimeriez passer en Backlog, mais qui sont dans l’attente d’une condition extérieure (par exemple : l’installation d’un outil nécessaire sur votre site)
- Backlog : la “to-do list”, les expériences que vous souhaitez mener
- In Progress : les expériences sur lesquelles vous travaillez actuellement
- Waiting For : les expériences sur lesquelles vous avez travaillé mais qui sont en attente d’une condition extérieure pour être lancées
- Running : les expériences lancées et en cours, dont on est en train de recueillir les données
- Successes : les expériences qui ont réussi
- Failures : les expériences qui ont échoué

Voilà un exemple de ce process en étapes réalisé sur Notion :

Template Notion Growth

N’oubliez pas qu’un échec n’est pas négatif en Growth : il vous amène vers la compréhension plus fine de votre modèle de croissance. J’irais même jusqu’à dire que si vous avez autant de réussites que d’échecs, c’est que vous ne prenez pas assez de risques. Mais ce à condition que vous soyez capables de tirer profit des résultats !

Étape 5 : un nouveau cycle

Le Growth Hacking Process étant un éternel cycle, vous pourrez ensuite repartir dans une nouvelle phase d’analyse. Mais contrairement à la toute première, celle-ci sera avant tout appuyée par les résultats de vos expériences précédentes. Voilà notamment, au-delà de l’industrialisation des succès (c’est-à-dire de leur généralisation et de leur pérennisation), les 2 façons que vous pourrez avoir d’utiliser les résultats de vos expériences :

- Générer de nouvelles idées. Dans le cas des succès, demandez-vous si cette expérience peut-être poussée encore plus loin, ou bien si elle peut être menée à un autre endroit de votre modèle. Pour les succès, demandez-vous quelle serait l’expérience la plus diamétralement opposée que vous pourriez imaginer.

- Reprioriser votre ICE Box. En effet, les résultats des expériences passées pourraient avoir une influence sur votre façon d’envisager l’impact ou la confiance d’expériences similaires ou liées.

En résumé

La capacité d’une équipe Growth est avant tout déterminée à sa fréquence d’expérimentation. Celle-ci peut-être optimisée grâce aux 4 étapes du Growth Hacking Process :

- L’analyse : résultats des expériences précédentes, analyse des données, interviews des clients ou utilisateurs

- L’idéation : partir des hypothèses, utiliser la divergence créative

- La priorisation : grâce au ICE scoring - Impact, Confidence, Ease

- Le test : définition de la MVE (Minimum Viable Experiment) et organisation de l’expérimentation au travers des étapes ICE Box, Not Now, Backlog, In Progress, Waiting For, Running, Successes et Failures

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