Ne me parlez plus jamais du funnel AARRR !
Le funnel AARRR est l’un des concepts les plus connus de la Growth. Pourtant, c’est sans doute celui dont les gens arrivent le moins à se servir.
Et vous savez pourquoi ? C’est en réalité très simple : le modèle AARRR, ce n’est pas un funnel !
Dans cet article, je vais vous donner la définition du modèle AARRR, les erreurs courantes à éviter, et ma méthode pas-à-pas pour définir votre propre modèle.
À retrouver dans cet article :
- Qu’est-ce que le modèle AARRR ?
- Quelles sont les erreurs courantes avec le modèle AARRR ?
- Quelques exemples de modèles AARRR
- Comment bien choisir votre modèle AARRR ?
- Aller plus loin que le modèle AARRR
Qu’est-ce que le modèle AARRR ?
Le modèle AARRR est un modèle en 5 parties qui aide à comprendre les différents facteurs de croissance de n’importe quel produit ou service. Il se décompose comme suit :
- A pour Acquisition : Comment les gens découvrent le produit ou service
- A pour Activation : Comment les gens comprennent la valeur du produit ou service en ayant une bonne première expérience
- R pour Retention (Rétention en français) : Comment les gens restent et continuent d’utiliser le produit ou service
- R pour Referral (Recommandation en français) : Comment les gens sont satisfaits et en parlent autour d’eux, en font la promotion
- R pour Revenue (Revenu en français) : Quel est le modèle de rémunération autour de l’utilisation du produit ou service
Chaque partie est donc liée à une action effectuée par l’utilisateur ou client. On peut lier cette action à une métrique et suivre ainsi comment évolue notre croissance selon ces 5 aspects.
Le modèle AARRR est ainsi une représentation des 5 piliers de la croissance. Travailler chacune de ces parties pour l’améliorer est sans aucun doute le meilleur moyen d’atteindre une croissance stable et pérenne.
Quelles sont les erreurs courantes avec le modèle AARRR ?
La plus courante des erreurs autour du modèle AARRR est qu’il s’agirait d’un funnel, un entonnoir de conversion. J’ai compris qu’il s’agissait d’une erreur quand, en arrivant à Reezocar en 2018, j’ai essayé de l’appliquer.
L’acquisition était mesurée par le nombre de nouveaux visiteurs du site, l’activation par une demande de contact. Jusqu’ici tout allait bien.
Mais on arrivait alors tout de suite à l’étape Retention, qui aurait consisté à racheter une voiture, alors que la personne n’en avait pas encore acheté une première.
Je vous donne cet exemple mais je pourrais vous en montrer mille autres pour vous prouver par l’absurde que les étapes de ce fameux “funnel” ne sont pas dans le même ordre en fonction de l’entreprise.
De plus, la notion de funnel induit que lorsque quelqu’un passe à une étape donnée, elle quitte la précédente. Or, votre objectif ultime avec votre produit est que les gens continuent de l’utiliser (Retention) tout en en parlant autour d’eux (Referral) et en vous faisant gagner de l’argent (Revenue). Et non pas seulement l’un des trois à la fois !
Une autre erreur très répandue est de penser qu’il s’agit d’un ordre dans lequel optimiser chaque partie : d’abord on travaille sur l’Acquisition, puis sur l’Activation, etc.
Mais il n’en est rien. Charge à vous de regarder vos 5 métriques représentatives et de décider par rapport à ça quel devrait être votre axe de travail prioritaire.
Enfin, une dernière erreur courante est de penser que les 5 parties du AARRR sont des silos entièrement indépendants. Elles sont en fait intimement liées, et travailler l’une d’entre elles sans se soucier des autres pourrait s’avérer dangereux.
Par exemple, si vous travailliez uniquement l’Acquisition sans regarder les autres parties, vous pourriez être tenté de faire rentrer énormément de gens dans votre expérience sans même vous soucier de si ces personnes sont la cible de ce que vous proposez.
En travaillant de cette façon, vous auriez de très bons résultats sur l’Acquisition mais de très mauvais sur les 4 autres parties.
Quelques exemples de modèles AARRR
Après toute cette définition, vous vous dites sans doute qu’un petit exemple vous serait utile. J’ai donc décidé de vous en présenter trois, sur des modèles très différents afin que vous puissiez constater l’universalité du modèle : TikTok, Slack, et un salon de coiffure !
Attention : il s’agit de mon interprétation du modèle AARRR de ces entreprises, et non pas de modèles qui auraient été publiés par les entreprises elles-mêmes.
Le modèle AARRR de TikTok
- Acquisition : Se créer un compte (après avoir téléchargé l’application). Il faudrait donc suivre le nombre de création de comptes
- Activation : Suivre 3 personnes sur TikTok. La métrique serait donc le nombre de comptes qui atteignent pour la première fois 3 comptes suivis
- Retention : Utiliser TikTok tous les jours. Ils suivraient ainsi les Daily Active Users (ou DAU, les utilisateurs actifs tous les jours). On pourrait ici définir “actif” par le fait de regarder au moins trois vidéos chaque jour
- Referral : Partager des vidéos TikTok sur d’autres réseaux (avec le logo TikTok dessus). La métrique serait ainsi le nombre de partages “externes”
- Revenue : Générer de l’argent en regardant des publicités. Ceci serait tout simplement mesuré par le chiffre d’affaires
Le modèle AARRR de Slack
- Acquisition : Créer un compte Slack. La métrique liée serait donc le nombre de création de comptes
- Activation : Ajouter 3 collègues sur son espace de travail. Ils suivraient ainsi le nombre d’espaces de travail qui atteignent pour la première fois 4 membres
- Retention : Utiliser Slack toutes les semaines. On parlerait ici de Weekly Active Users (ou WAU, les utilisateurs actifs chaque semaine), et “actif” signifierait ici de poster au moins trois messages
- Referral : Inviter ses collègues sur l’espace de travail. On pourrait donc compter le nombre d’invitations par email à rejoindre des espaces de travail.
- Revenue : Générer de l’argent avec des comptes premiums payants. Là aussi on le mesurerait avec le chiffre d’affaires
Le modèle AARRR d’un salon de coiffure
- Acquisition : Découvrir le salon pour la première fois. On ne pourrait pas compter toutes les personnes qui le découvrent en passant dans la rue, mais un commerce de proximité peut par exemple avoir accès au nombre de visites sur sa fiche Google Maps
- Activation : Se faire couper les cheveux pour la première fois et être content de sa coupe. La métrique serait donc le nombre de premières coupes pour lesquelles le client dit être satisfait
- Retention : Retourner se faire couper les cheveux au moins tous les 2 mois. On compterait ainsi le nombre de clients qui se sont fait couper les cheveux et qui l’avaient déjà fait dans les deux mois précédents
- Referral : Laisser un avis positif sur Google. Le chiffre à suivre serait donc le nombre d’avis 4 étoiles ou 5 étoiles sur Google Maps
- Revenue : Payer le coiffeur. Là encore la métrique serait le chiffre d’affaires
Comment bien choisir votre modèle AARRR ?
Vous êtes maintenant un(e) spécialiste du modèle AARRR d’autres entreprises, mais qu’en est-il de celui de votre entreprise ou de votre projet ? Voici quelques conseils pour définir chacun de vos 5 piliers.
Acquisition
Pour l’Acquisition, demandez-vous à quel moment une personne vous découvre pour “de vrai”, c’est-à-dire pas simplement à travers une publicité ou tout autre moment où elle entend parler de vous. Cela peut être une première visite de votre site, une inscription gratuite à votre application, ou encore passer devant votre vitrine dans la rue.
Activation
Pour l’Activation, on cherche à comprendre à quel moment la personne perçoit la valeur ajoutée et l’expérimente. Lorsqu’il s’agit d’une Activation rapide, c’est souvent une action à l’intérieur même de votre produit : un abonnement, une première commande, un certain nombre d’actions effectuées, etc.
Mais il existe aussi des cas “d’activation lente”, dans lesquels votre client expérimente très tard la valeur complète. Par exemple, pour la marque de prêt-à-porter Asphalte, l’expérimentation complète arrive très tard : avec leur système de précommande, on reçoit son t-shirt trois mois après l’avoir commandé.
Dans ces cas de figure, vous devrez trouver une “proxy Activation” : une étape intermédiaire qui conduit un pourcentage important et constant de gens à expérimenter la valeur future. Si je reprends l’exemple d’Asphalte, cela pourrait être au moment où la première commande est passée, car cela témoigne du fait que la personne a compris l’intérêt du produit pour elle.
Dans les deux cas, une bonne façon de vérifier que votre point d’Activation est pertinent est de vérifier son impact sur la Retention. Vous devriez en effet constater que les utilisateurs ou clients “activés” ont une meilleure rétention que les utilisateurs ou clients “non activés”. En voici une illustration sortie de mon livre “Growth Marketing” :
Retention
Votre Retention doit refléter l’expérimentation répétée de la valeur coeur de votre produit ou service. Et pour la trouver, on va revenir au problème que l’utilisateur cherche à résoudre à travers cet usage. Par exemple dans le cas de Slack ce serait “j’ai besoin d’obtenir une réponse rapide et informelle d’un de mes collègues”.
On va ensuite définir quel persona a ce problème, et pour quelle raison. On se demandera aussi quelle alternative il peut avoir à notre produit pour résoudre ce problème. Par exemple pour Slack : “envoyer un email et attendre”, ou bien “aller voir la personne directement dans son bureau”.
Définir tout ce cas d’usage va nous permettre d’identifier assez facilement la fréquence naturelle d’utilisation. Et cette fréquence naturelle nous permettra de définir la base de temps sur laquelle observer la Retention.
Toujours dans l’exemple de Slack, le problème (et donc le besoin) pourrait apparaître plusieurs fois par semaine. Et leur métrique de Retention serait ainsi le nombre d’utilisateurs envoyant au moins 3 messages par semaine.
Referral
Le Referral est sans doute la partie la plus difficile à définir, car elle ne pourra jamais être totalement représentative. En effet, il est très difficile voire impossible de mesurer le bouche-à-oreille de vos clients. Et même sur leurs actions mesurables, vous serez souvent obligé d’en choisir une seule représentative.
Pour vous illustrer cela, chez LiveMentor, nous avons deux actions principales de Referral que peuvent effectuer nos apprenants : parrainer un proche, et laisser un avis sur Trustpilot. Dans l’idéal, notre métrique devrait être le nombre d’apprenants ayant effectué l’une des deux actions ou les deux.
Mais dans bien des cas, il sera très difficile voire impossible de recouper les deux (ou plus) sources de données afin d’éviter les doublons. Vous devrez alors choisir l’action de partage qui sert le plus votre business par rapport à sa catégorie.
Dans notre cas, le parrainage est une bonne chose mais il y aura peu de situations où un apprenant connaît quelqu’un dans son entourage souhaitant se former aux mêmes problématiques.
Le nombre d’avis Trustpilot sera donc une meilleure métrique, notamment pour rassurer les potentiels prospects sur le caractère sérieux de l’organisme de formation, dans un domaine qui a pu souffrir de mauvaise presse récemment.
Revenue
La partie Revenue est sans aucun doute la plus facile à définir, puisque dans la majorité des cas elle se mesurera au chiffre d’affaires réalisé. Il existe néanmoins certains cas où on préférera mesurer la marge, notamment lorsque le coût de revient du produit ou service représente une part très importante du chiffre d’affaires réalisé.
Aller plus loin que le modèle AARRR
Le modèle AARRR est pour moi le socle de ce que j’appelle le modèle Growth : un modèle complet qui permet de représenter votre moteur de croissance.
Vous vous dites peut-être, une fois arrivés jusqu’ici, que définir votre AARRR semble déjà prendre du temps. Et si c’est le cas, l'idée de devoir définir un modèle plus complet vous paraîtra sans doute trop chronophage.
Mais croyez-moi : ce temps que vous consacrerez vous fera économiser des milliers d’heures par la suite. Parce qu’on ne pilote pas une croissance les yeux fermés, sans savoir où on va ni pourquoi on fait les choses.
C’est pour cela que j’ai écrit une série d’articles pour vous présenter la définition d’un modèle Growth complet. Après ce premier épisode sur le modèle AARRR, nous verrons dans la suite :
- Les Growth Loops et leur utilisation
- La Flywheel pour travailler l’écosystème global
- Le modèle Growth complet en utilisant tous les concepts précédents